COURS 1
AVERTISSEMENT :
Vous verrez le cours 2 est plus "doux", mais il faut en passer par là...
...Donc commençons par le plus difficile quel est votre positionnement par rapport à la Culture et à l'Art?
Les principales acceptions contenues dans la notion de culture et d’art
(ces notions sont inspirées par le cours de JC Bérardi, trop tôt disparu, qui fut l'un de mes formateurs)
Aujourd’hui « les belles choses sont difficiles » cela veut dire que les frontières ne sont plus aussi bien délimitées, et les acteurs culturels eux mêmes sont souvent en désaccord sur la valeur des œuvres…qu’est ce qui relève de l’art ?
(N’entendez autour de vous, que tout est art, la mode, le design, l’architecture, les jeux vidéos et les mangas de vos enfants et petits enfants…)
Il existe un vrai flottement à tous les niveaux de la culture : est ce que tout peut faire art, quelle catégorisation ? qui doit en décider ?
Ces flottements qui atteignent les lieux culturels investissent également les domaines de l’action culturelle et celui des projets par voie de conséquence. Ces flottements sur l’objet culturel vont ouvrir la porte à des confusions sur le choix des activités et sur qui va les faire pratiquer (grave problématique des amateurs et des bénévoles).
Cette crise est d’autant plus grave qu’elle a atteint la notion de culture elle même. Vous comprendrez mieux cette affirmation en lisant Hanna Arendt et en comprenant que l’évolution des technologies, mais surtout des modes de consommation ont révolutionné la conception traditionnelle de la culture.
Le but de ces premiers cours est de vous faire comprendre la complexité actuelle de votre matière première de travail, la culture. Les concepts qui vont suivre sont certes très théoriques, mais vous verrez qu’ils fonctionnent parfaitement et qu’ils peuvent vous renseigner sur la façon de voir les choses de vos publics, de vos partenaires ou de vos concurrents.
Pour remettre un peu d’ordre dans toutes les manières possibles d’appréhender l’art et la culture, il est bon de disposer d’outils, de grilles de lecture. Aujourd’hui je vais tenter de vous faire partager celle qui m’a été transmise (comme à tous ses étudiants, je vous rassure) par l’un des inventeurs de la notion de médiation culturelle, le philosophe Jean Charles Berardi.
Pour lui toute notre culture, notre formation esthétique, nos expériences culturelles sont conditionnés par les savoirs que nous avons récupérés des longs débats que les penseurs de la Grèce antique ont menés durant des siècles. Mais cela ne s’arrête pas cette période richissime de l’intellect, la pensée s’est encore nourrie des apports des religions, de la renaissance, de la philosophie des lumières, de la philosophie allemande et des nouvelles approches de l’anthropologie, de la psychologie sociale et plus largement de la sociologie.
A La métaphore agricole
Tout d’abord voici la bonne parole… car vous devinez que le culturel n’est pas si éloigné du cultuel !
Marc 4, 1-20 La parabole du semeur
extraits
"Écoutez! Voici que le semeur est sorti pour semer.
Et il advint, comme il semait, qu'une partie du grain est tombée au bord du chemin, et les oiseaux sont venus et ont tout mangé. Une autre est tombée sur le terrain rocheux où elle n'avait pas beaucoup de terre, et aussitôt elle a levé, parce qu'elle n'avait pas de profondeur de terre; et lorsque le soleil s'est levé, elle a été brûlée et, faute de racine, s'est desséchée. Une autre est tombée dans les épines, et les épines ont monté et l'ont étouffée, et elle n'a pas donné de fruit. D'autres sont tombés dans la bonne terre, et ils ont donné du fruit en montant et en se développant, et ils ont produit l'un trente, l'autre soixante, l'autre cent."
coran, sourate Al-Fat-h ‘La victoire éclatante’ 29 et parabole du semeur
" Muhammad est le messager d'Allah. Et ceux qui sont avec lui sont durs envers les mécréants, miséricordieux entre eux. Tu les vois inclinés, prosternés, recherchant d'Allah grâce et agrément. Leurs visages sont marqués par la trace laissée par la prosternation. Telle est leur image dans la Thora. Et l'image que l'on donne d'eux dans l'Evangile est celle d'une semence qui sort sa pousse, puis se raffermit, s'épaissit, et ensuite se dresse sur sa tige, à l'émerveillement des semeurs. (Allah) par eux (les croyants) remplit de dépit les mécréants. Allah promet à ceux d'entre eux qui croient et font de bonnes œuvres, un pardon et une énorme récompense."
[sourate Al-Fath : 29]
Dans le Thalmud, la parabole du semeur apparaît également
sous le nom du champ de Midrash…le texte est quasiment identique. Et son interprétation y apparaît rapidement comme la plus ou moins bonne compréhension de la parole de Dieu.
En forme de synthèse
Plusieurs points sont à retenir :
la question du temps : le projet culturel est une projection dans le temps, c’est un effort à accomplir pour atteindre un but, c’est un accomplissement (une élévation). D’où en relief la notion de patience qui doit entourer un projet culturel. Le temps c'est également celui de la transmission des valeurs et des connaissances. C'est l'idée d'un parcours nécessaire (la durée des études) et aussi celui des diplômes qui vont jalonner les efforts entrepris par l'élève mais aussi par le maître.
La notion d’effort est importante, rien ne se fait facilement, il faut travailler les graines, les terres…ce qui signifie de choisir avec soin le champ culturel sur le quel travailler et que le projet soit bien adapté au public qui est ciblé.
Toujours relié à ces notions, celle de racines, de travail en profondeur, de ne pas rester à la surface des choses. Un projet doit être exigeant, ambitieux, nous ne sommes pas dans l’animation, c’est un projet culturel et il doit marquer profondément.
Rassembler, le projet culturel doit unir et non désunir, il tend à l’universalité.
Dans la pratique et la vraie vie, cette métaphore conditionne la culture qui est liée à l'éducation, à la pédagogie (enseignants, éducateurs). C'est la culture des experts, de ceux qui savent et dispensent leur savoir sans partage (conservateurs, conférenciers, professeurs). Vous constaterez que cette métaphore agit fortement dans le milieu de l'éducation nationale et dans celui des musées...cherchez en d'autres !
B La métaphore Chimique
Le but de l'art, son besoin originel, c'est de produire aux regards une représentation, une conception née de l'esprit, de la manifester comme son oeuvre propre ; de même que, dans le langage, l'homme communique ses pensées et les fait comprendre à ses semblables. Seulement, dans le langage, le moyen de communication est un simple signe, à ce titre, quelque chose de purement extérieur à l'idée et d'arbitraire.
L'art au contraire, ne doit pas simplement se servir de signes, mais donner aux idées une existence sensible qui leur corresponde. Ainsi, d'abord, l'oeuvre d'art, offerte aux sens, doit renfermer en soi un contenu. De plus, il faut qu'elle le représente de telle sorte que l'on reconnaisse que celui-ci, aussi bien que sa forme visible n'est pas seulement un objet réel de la nature, mais un produit de la représentation et de l'activité artistique de l'esprit. L'intérêt fondamental de l'art consiste en ce que ce sont les conceptions objectives et originelles, les pensées universelles de l'esprit humain qui sont offertes à nos regards.
HEGEL
Esthétique
C’est au départ une conception propice à l’éducation et à la formation,
Puis cette formation (bildung) devient plus complexe et moins prévisible :
La Culture est un processus, et le projet culturel représente cette tentative de passer du singulier à l’universel.
Un moment où les formes artistiques provoquent un « trouble » dans notre processus de reproduction des représentations.
Le temps, la patience importe moins que le renversement.
Le pari de la germination cède le pas au principe de nouveau
cette métaphore implique un mouvement, un changement, une mobilité.
Vous comprendrez que nous sommes passé d'une dimension divine (éternelle) à une dimension humaine (historique, en mouvement). L'idée de renouvellement, de nouveauté y importe : c'est le concept de modernité qui point.
C la métaphore sociologique de la culture
L’analyse culturelle a été développée par Mary Douglas dans les années 1970.
Elle porte sur le rôle de la culture dans la fabrication de l’ordre social. Dans le contexte de l’anthropologie sociale britannique et dans la suite de Edward Evans-Pritchard, elle reprend et étend les apports de Émile Durkheim sur la formation des institutions sociales dans l’objectif de construire une démarche opératoire d’analyse et de comparaison des cultures. Elle rejette l’évolutionnisme social des premiers écrits de Émile Durkheim pour considérer de façon comparable différentes cultures. Elle rompt également avec l’approche culturaliste qui mobilise une herméneutique de la culture d’inspiration philosophique ou esthétique. Elle lui substitue une approche sociologique en considérant dans la culture les principes et les jugements qui guident et qui nourrissent les actions des individus. Elle construit une analyse dans laquelle l’organisation sociale et les principes culturels se combinent pour assurer la stabilisation et la reproduction des institutions sociales. Ce cadre sociologique lui permet d’analyser les cultures singulières, d’en expliquer les contenus cognitifs et axiologiques qu’elles revêtent dans leur correspondance avec la fabrication de l’ordre social des groupes qui les utilisent comme moyen d’échange et de communication.
Les grands axes à retenir:
Il ne s'agit plus de transformer, vous verrez que nous sommes moins dans l'action ou la transformation que dans l'observation.
Cette notion relève davantage de la revendication, et du respect (naissance du politiquement correct)
Nous ne sommes plus dans une logique d'évolution, mais nous sommes davantage dans un processus d'adaptation.
Cette métaphore récente est celle qui a permis d'ouvrir la culture à de nombreux champs géographiques (des cultures, et non plus une culture de référence) mais qui aussi permis à la culture de s'ouvrir à de nouveaux domaines de créativité loin du petit domaine réservé des « Beaux Arts ».
Dans notre vie actuelle, vous reconnaîtrez les débats riches sur « les cultures du monde » mais aussi les débats non moins riches sur la complexité nouvelle du domaine culturel (arts de la rue, mode, design, cirque, etc.).
Ce sont plein de métiers inattendus qui sont entrés avec un fracas iconoclaste dans le club réservé de la culture !
Vous retrouverez les travailleurs sociaux, les animateurs, les journalistes, les bloggeurs, les réseaux sociaux
Aujourd'hui, sur le terrain dit culturel, circulent, se côtoient et parfois s'opposent des actions nommées différemment par les acteurs de la dite culture.
Tournés vers le public et dans des enjeux de développement culturel, certains diront faire de la diffusion, quand d'autres parleront plutôt d'action culturelle ou d'animation, et enfin d'autres parleront d'éducation.
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