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Cours Art Contemporain Saison 2


Cours 1     L’artiste a besoin de stratégies




Désormais nous avons mieux défini ce qu’est un artiste de nos jours et comment son statut a évolué dans la société. 

L’artisan de la Renaissance avait déjà inclus la notion économique…il n’y a pas de métier sans « rémunération ». Certains, la majorité, ont conservé le statut d’artisan, ou de travailleur indépendant, tandis qu’un petit nombre s’est orienté, lui, vers un vrai statut de P.M.E.   L’apparition de nouvelles technologies exigeantes, de techniques quasi industrielles, d’usinage, de façonnage, ou encore de la nécessité d’un travail d’équipe : tous ces nouveaux éléments ont concourus  à obliger de nombreux à sortir de leur petit atelier pour réaliser des œuvres de plus en plus complexes.

Qui dit logique de P.M.E dit également positionnement sur le marché de l’Art. Il y a concurrence entre acteurs économiques et artistiques ; en conséquence il est important de défendre sa « marque », de se singulariser, d’être visible sur une scène artistique et médiatique déjà tr ès encombrée.  En bon entrepreneur, l’artiste contemporain doit « adopter » une stratégie pour exister.

"La parabole du semeur"  au travers des âges et des stratégies













1850 – 1940   Les artistes chassent en meute

Depuis les combats menés par les impressionnistes, la stratégie de groupe avait été « payante ».  Pour être remarqués, les artistes se regroupaient autour d’un style adopté en commun ; ce style devant être en rupture avec l’Art reconnu du moment. Malgré l’authenticité de leurs recherches artistiques, il entrait dans cette démarche commune une dimension stratégique importante : un artiste seul n’aurait pas pu faire entendre ses choix différents et aurait disparu aussitôt exposé !


Avantages :

Tous les courants qui ont jalonnés toutes ces années créatives ont permis à de nombreux artistes de faire voir leurs œuvres et de faire évoluer l’Art dans des directions parfois très divergentes ou opposées. 

Inconvénients :

Parmi ces nombreux artistes, certains n’ont ils pas renoncé à des recherches individuelles plus pointues pour se « soumettre » à un courant dominant et gagner en « visibilité ».


1940 -  nos jours     Les artistes rentrent dans la société


Du militant à l’entrepreneur

Les années d’après guerre sont marquées par un climat de « guerre froide » qui atteint l’Art. Les artistes sont comme des combattants du Soft Power.

De Picasso à Fernand Léger les artistes sont appelés à « s’engager ». Puis les artistes prennent du recul et exercent eux mêmes leur regard critique vis à vis de la société (Pop Art, figuration narrative, Arte Povera).


Les années 70 et 80  vont amener à un éclatement des objectifs artistiques et les stratégies des artistes vont suivre jusqu’à nos jours cet éparpillement dans les stratégies adoptées :

Durant cette année, je vous propose une grille de lecture de ces principales stratégies. Comme à mon habitude, mais c’est important, je tiens à vous dire qu’il ne s’agit que d’un outil pratique et que vous pourrez par la suite faire varier ou compléter selon vos propres expériences.  Cette grille va se composer de plusieurs « rôles ou fonctions » que les artistes ont souhaité adopter à travers leurs œuvres. Tout n’est pas unilatéral et chaque artiste peut adopter plusieurs stratégies à la fois. Ce qui est important c’est que vous soyez en mesure de les repérer ce qui vous rendra leurs œuvres et les expositions  plus « lisibles ».


J’ai repéré plusieurs « rôles » adoptés par les artistes :

-          le reproducteur/horizontal, vertical
-          le romantique
-          le chimiste
-          le bricoleur
-          l’intelo/militant
-          le géomètre/architecte
-          l’humoriste/moraliste
-          le bad boy/provocateur



Quand on parle d’une œuvre d’art, de quoi parle t on ?   

Une œuvre ce sont des éléments matériels :


-          la matière, 
-          les outils,
-          un traitement particulier de la couleur,
-          un traitement particulier des formes,

Mais ce sont également des éléments intellectuels :

-          la thématique (il peut en y avoir plusieurs dans une œuvre),
-          un point ou plusieurs points de narration* sont nécessaires parmi les composants habituels d’une œuvre.



POINTS DE NARRATION
·       le traitement d’une thématique par l’artiste va passer par des biais différents : repérer le ou les points de narration permettent de comprendre et de suivre quelle histoire l’artiste cherche à nous raconter.
·       Exemples : 1/ prenons le tableau de Degas : toute l’œuvre concoure à l’histoire (personnages, couleurs, décor)



 2/ le de konning1 place sa narration dans les courbes et les couleurs, c’est par elle que nous pouvons « recréer » le couple de danseurs




 3/ Kandinsky2 est d’une « lecture » plus difficile, les points de narration sont dans les couleurs, dans les formes et leur assemblage









D’autres exemples :
Millet  (l’Angelus) ,  Picasso (les 3 musiciens), Julia Montilla (médoc)  


à Revenons sur les rôles adoptés par les artistes. Le choix d’un ou de plusieurs rôles correspond à des inclinations naturelles ou à des acquis de l’expérience.

Objectif : Transformer le spectateur en regardeur

Chaque artiste produit des œuvres qui provoquent des références, des émotions, des projections de la part du spectateur. Le rôle va permettre à l’artiste d’influer sur cette interaction, tout en sachant qu’il existe une part particulière au regardeur qu’il ne pourra pas contrôler. Selon les artistes les points de narration évoqués seront plus ou moins prégnants sur le regardeur.


Commençons par le premier rôle :



Le reproducteur


De prime abord, on peut dire qu’il existe plusieurs types de reproduction :

-          les reprises, les répliques, les copies de formes 
depuis toujours, la copie a été un mode de transmission, de formation de l’artiste
-          Au delà de la simple copie d’une œuvre, il y a la récupération d’une forme non artistique (ce sera plutôt traité dans d’autres catégories, car il s’agit alors d’un détournement) DUCHAMP, MAX ERNST
-          L’artiste peut répéter à l’envie une forme qu’il a créé lui même, ce mode de fonctionnement est typique de certains mouvements (supports-surfaces notamment)  BUREN, VIALLAT, KUSAMA
-          L’artiste peut prendre une forme triviale et la répéter de nombreuses fois sur son œuvre (détournement-accumulation)  ARMAN


Il y a 2 façons principales de reproduire :

La manière horizontale

BUREN  VIALLAT  ….  Tout repose sur les formes, leurs formes, qui atteignent un niveau obsessionnel, dont le paroxysme est atteint pour l’artiste Yayoi KUSAMA. On observera la fréquence, l’intensité, les couleurs qui y sont contenus.  Ils fabriquent leurs propres formes et les répètent à l’excès…c’est cette répétition qui est leur point de narration.



En ce qui concerne Yayoi KUSAMA, le point de narration va au delà des formes, il réside également dans le choix de couleurs vives et de volumes étonnants qui vont concourir à l’étonnement du spectateur.



Dans le cas de Takashi MURAKAMI, si il y a répétition des mêmes motifs de petits personnage-fleurs, le point de narration est renforcé par le choix d’une thématique très précise : l’esthétique du Manga.






La manière verticale.

Pour DUCHAMP, c’est souvent un ou plusieurs objets manufacturés qui deviennent sa matière. 
Ce qu’il appelle « Fontaine », et qui est plutôt un urinoir, et dans cet urinoir il y a un nom, une signature « Richard Mutt » : ce n’est pas n’importe quel urinoir !  Tout le point de narration est dans ce lien entre l’objet et l’inscription.
Cette œuvre est un manifeste et la signature, même sous un faux nom, est là pour attester le rôle de sublimation de l’artiste !

Pour Max ERNST, l’objet sera complété, détourné, modifié et plusieurs media (photo, collage, insert de peinture) viennent concourir à l’œuvre.
L’artiste ne se suffit d’un « ready made » comme Duchamp mais il recrée à partir de plusieurs objets ou formes qu’il associe.
A gauche une mécanique complexe qui semble l’emporter sur l’homme, jusqu’à le découper, à droite un montage qui semble dire : « inutile de te cacher, le regard des autres va t’atteindre ! » vision dadaïste et orwellienne du monde.

Pour ARMAN c’est davantage l’accumulation que l’objet lui même qui importe, sa véritable matière c’est l’assemblage
Les points de narration vont consister dans le nombre, la disposition, la couleur des éléments, leurs reflets ou non, leur aspect massif ou aérien.
Par exemple, avec ses tubes de couleur identiques, il nous montre qu’il échappe à la couleur et que son œuvre réside ailleurs dans cette vision globale d’une petit armée de tubes dont seul importe le contenant paré d’une superbe teinte dorée ; le contenu (la couleur) porte quant à lui la couleur du deuil et de l’oubli. Comme une fable où l’objet l’emporte sur la couleur.














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