Joseph
Kosuth
L'œuvre
Description
Concernant
"One and three chairs", nous voyons une installation composée d'une chaise en bois pliante et commune appuyée contre la cimaise, avec à sa gauche un tirage
photographique en noir et blanc de cette même chaise et à sa droite, sa définition tirée d'un dictionnaire.
L'analyse
formelle est très limitée, alors que, au contraire, l'analyse conceptuelle est,
elle, très étoffée.
Kosuth
montre à la fois l'unité, puisque cela renvoie au même objet, mais également l'irréductibilité de chacune de ces chaises aux deux autres.
Il nous
montre l'objet chaise, qui est la référence tridimentionnelle, l'idée de la chaise, sa représentation linguistique, et la représentation photographique de celle-ci; la représentation iconique bidimensionnelle de cette chaise.
Elle nous
est donc présentée trois fois selon trois degrés de représentation différentes, ou trois lectures différentes, comme nous l'explique Mollet-Viéville.
Reflexion
Cette
proposition artistique a un coté très "aseptisé", dépersonnalisé. Nous pourrions la comparer à une fiche d'identité judiciaire, parcque cette
installation à un aspect très bureaucratique (archéologique, même, comme une fiche objet destinve aux générations futures) de classement
certainement engendré par le fait qu'elle ait été arraché de tout contexte spatio-temporel, de toute narrativité.
Kosuth
dit lui_même "mon travail actuel
(...) traite des multiples aspects d'une idée de quelque chose".
Mais, comme tout spectateur novice, nous tombons dans le piège de l'interêt pour l'objet chaise. C'est à dire que nous pouvons nous poser énormément de questions à propos de l'objet exposé, comme :
Pourquoi
a-t-il choisi cette chaise ?
Pourquoi
personne n'est assis sur celle-ci ?
Pourquoi
est-elle complètement décontextualisée ?
Est-ce
une chaise spécialement créée pour cette installation ou a-t-elle appartenu à queqlu'un ?
Pourquoi
avoir choisi une chaise en bois ?
Doit-on y
reconnaître une référence à l'art chrétien à travers le fait que l'auteur ait choisi de représenter ce siège trois fois comme la sainte
trinité comme l'explosion, la
division d'une seule et même personne ?
Nous
pouvons penser que Kosuth nous laisse toute la part d'interprétation et que nous pouvons tout imaginer.
Cependant,
lorsque nous découvrons l'existence de
"Glass, one and three" et "One and three box", nous nous
apercevons que l'objet n'a aucune espèce d'importance, c'est l'idée de division du sens d'un seul et même objet qui est essentiel. Le spectateur perd tous ses
moyens devant une telle œuvre car il ne doit pas
l'observer de la même manière qu'une œuvre
"traditionnelle", bidimensionelle et narrative, elle ne correspond à aucune tradition ancrée dans la mémoire collective.
Nous
avons finalement beaucoup d'informations sur cette chaise mais ce ne sont que
des informations purement techniques et formelles, "artisanales"
presque. Le reste "appartient" au spectateur et est de l'ordre de l'interprétation personnelle, si une interprétation personnelle est envisageable.
Selon
Laurent Wolf, Kostuh ferait le constat du dérèglement des relations entre la réalité et sa représentation, et ce depuis la seconde guerre mondiale et
l'influence grandissante des images et de leur pouvoir de persuasion.
Il établis toute une théorie à propos de cette chaise, faisant des corrélations entre l'œuvre de Kosuth et la crise de
chaise vide, avec l'ONU, l'URSS ; l'installation faisant référence à cela.
Cette théorie prouve bien que nous sommes libre de l'interpréter comme on l'entend, selon nos propres références socio politico
culturelles, mais Wolf semble s'être fait piégé en n'ayant pas compris le
sens de l'œuvre, puisqu'il s'intéresse à la chaise et sa symbolique.
Kosuth a du choisir une chaise comme il aurait pris un balais.
Au début de sa carrière il exécuta d'ailleurs des peintures achromatiques car le noir, le
blanc et le gris seraient des teintes transculturelles ; c'est-à-dire que les couleurs feraient nécessairement référence plus ou moins implicitement à une symbolique religieuse, culturelle, sociale, etc...
Selon
Kosuth lui-même, ce qui est intéressant dans "One and three chair" c'est que l'on
puisse modifier le lieu, l'objet, la photo, sans modifier la nature de l'œuvre, la volonté de l'artiste. On peut donc
proposer une œuvre d'art qui est l'idée de l'œuvre d'art, la réalisation plastique d'un concept.
influences
Nous
pouvons voir une influence des surréalistes et peut être plus particulièrement de "Ceci n'est pas
une pipe" de René Magritte dans les années trentes, mettant en garde contre le pouvoir des images,
nous précisant que la représentation de l a réalité n'est pas la réalité elle même. L'influence de Dada est
bien entendu essentielle à travers les jeux créés autour des mots, de la typographie et des lettrages comme
"Une nuit d'échec gras", 1920, de
Tristan Tzara, ou "L'œil cacodylate" de Francis
Picabia, en 1921, et leur célèbres cadavres exquis.
L'un des
artistes qui a le plus marqué Kosuth est Ad Reinhardt, le
précurseur de l'art conceptuel
avec ses "ultimate painting", quasi monochrome, plus proche de l'œuvre de Malevitch que de l'expressionnisme abstrait.
Reinhardt insista sur la notion de la tautologie artistique : il dit
"l'art c'est l'art en tant qu'art et tout le reste est tout le
reste".
C'est à partir de son travail que Kosuth a réellement développé sa pratique artistique.
L'influence
des théories linguistiques de
Wittgenstein, essentiellement les "investigations philosophiques",
est également claire. Selon lui, le
seul usage correct du langage est d'exprimer des choses concrètes et perceptibles, il rejette l'enseignement
philosophique parcequ'il cherche à démontrer des notions abstraites. Précisons toutefois, qu'à la fin de sa carrière, il contredira totalement cette théorie.
Kosuth
reprendrait, également, la théorie d'Alberti, expliquant et théorisant l'idée qu'une œuvre est avant tout cosa mentale, c'est-à-dire qu'elle est d'abord un concept ou une idée avant d'être une réalisation, un objet d'art.
Pour
mieux comprendre cette œuvre et étayer nos propos, nous citerons Taraboukine qui nous dit
que "le contenu de l'œuvre d'art se compose de deux éléments : l'idée et la forme. En matière d'art, il est impossible de
penser une représentation sans son contenu, il
ne peut y avoir d'œuvre dépourvue de contenu. Le contenu de l'art est l'idée investie dans une forme artistiquement maîtrisée".
Peut-être pouvons nous reconnaître les prémices de cet art conceptuel dans des œuvres antérieures à celles de "Duchamp" avec le tableau de Paul
Bihaud "Combat de nègres dans un tunnel",
1882, un monochrome noir, ou "Première communion de jeunes filles
chlorotiques par un temps de neige", 1883, un monochrome blanc.
Sans le
titre, l'œuvre n'est rien, il nous est éclaire, nous donne le sens de l'œuvre. C'est de la dérision de l'humour, le détournement des grands genres.
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