Mon grand père
maternel,
Henri Rouvier
Etre envoyé au
Japon était comme un rêve pour ce jeune
enseigne, dans son sémillant uniforme neuf.
Il avait dévoré « Madame Chrysanthème" avec passion dès sa
parution et l’orient était son horizon.
Tout ce qui était raconté sur le Japon, il le connaissait. Il avait évoqué ce pays mythique avec des
camarades japonais venus apprendre le français ainsi que nos pratiques
navales. Henri Rouvier se levait le
matin en pensant au japon et ses rêves éveillés provenaient de l’est. Et puis cette passion s’est estompée avec les
hasards de ses affectations.
Il faisait une
petite pluie fine, comme souvent en février au Japon, quand débarqua ce jeune
homme aux moustaches fines et à l’œil
vif et émerveillé par la vie grouillante des quais de Yokohama, en cette année
1909. Même si la traversée sur le
« SS Australien » a été
agitée, elle lui paraît aujourd’hui la plus belle des aventures, son cœur bat,
il vit son rêve !
Les débuts ne
sont pas faciles pour ce jeune homme plein d’idées romantiques sur ce monde qui
n’est pas toujours une merveilleuse terre d’accueil.
L’homme de la
rue est méfiant envers tout étranger, d’autant plus méfiant que celui est
souriant. Le jeune homme va apprendre à décrypter cet univers où tout
est codé.
Sans pouvoir
prétendre être un apollon, c’est un
homme au physique agréable, des traits réguliers, des cheveux très noirs avec
une raie bien marquée, des yeux tout aussi sombres que sa chevelure et une
petite moustache dite « en guidon de vélo » comme il était de bon ton
dans ces années là. Pour l’époque l’homme était sportif, il sortait d’une
formation aux fusiliers-marins de Lorient et pratiquait assidument le tennis.
D’après certains ragots, le jeune officier ne laissait pas insensibles les
personnes du beau-sexe. Et si cela ne
suffisait pas pour affirmer son charme, ce militaire avait une âme de musicien
et jouait brillamment Bach, Beethoven, Couperin, Scarlatti, mais aussi les plus
controversés Franck et Debussy. Ses œuvres en aquarelle qu’il a ramené
d’Indochine et d’Annam démontrent également quelques vertus picturales pour
rendre avec grâce la beauté mystérieuse de la baie d’Along.
A l’époque la
Marine recrutait de ces officiers aux talents littéraires et que les humanités
et l’amour du voyage avaient poussé vers cette Marine de l’Empire.
Le Japon, en ce
début de XXème siècle a tout pour fasciner ce jeune homme. Yokohama est la
porte du Japon vers l’occident : il
parcoure des quais encombrés de marchandises, il longe des échoppes où se font
les achats des marchands qui viennent de
tout l’archipel. Les kimonos résistent aux habits européens qui ont fait leur
apparition depuis maintenant une dizaine d’années. C’est d’ailleurs de petits détails, des
vêtements mal assortis, une façon
étrange de mélanger des habits quotidiens et certains atours de cérémonie. Il a
croisé la veille, un vielle homme qui avait pris un air important en se
pavanant avec un chapeau claque et une redingote digne du président
Lincoln ; mais le détail qui tuait l’ensemble était ce méchant caleçon
rose qui ornait le bas et prêtait à sourire au jeune homme un peu guindé qui
avait fraîchement débarqué d’occident.
C’est vers les
années 1906 ou 1907 qu’il commença à être de nouveau fasciné par le Japon au cours de plusieurs
escales qu’il y fit. Son esprit était alors mélancolique, une jeune fille de
Toulon venait juste de rompre avec lui…il en a parlé à ses camarades comme
d’une fille très belle et intelligente…et depuis le départ de la Méditerranée,
parfois son regard s’embrume et ses yeux semblent au bord des larmes.
Ainsi si Henri
vit dans cet étrange pays-monde, ce n’est pas par hasard mais par choix. Il a
voulu pour une grande part vivre à la japonaise Aussi il ne fréquente pas que
les boui-boui miteux du port, comme de nombreux marins étrangers ; il loge dans une petite maison modeste, au
centre d’un petit village situé entre le port et la ville, entre Yokohama et Tokyo.
Il voulait échapper à l’agitation de Yokohama qui en quelques vingt ans, d’un
port de pêcheurs était devenu une ville de 150,000 habitants.
Ses seules
sorties mondaines, en uniforme, sont réservées à l’Ambassade. il est aussi parfois l’invité de la bonne
société japonaise et il ne refuse jamais une occasion de parfaire son japonais.
Il est souvent déçu, car dans la classe bourgeoise ou aristocratique on se fait
un devoir de parler un français correct et même quelquefois parfait.
C’est au cours
de l’une de ces soirées, somme toutes assez ennuyeuses et répétitives, que le
jeune Henri Rouvier rencontra son chrysanthème ou plutôt son cerisier. La demoiselle
était une jolie fleur fragile, répondant au délicat prénom japonais de
Sakura, adossé à celui d’Isabelle…une fleur à moitié orientale qui parlait un
français impeccable. Entre champagne et
petits fours, il se laissa emporter par
les danses et par la petite voix fluette de la demoiselle. Henri était frappé par une fièvre plus
maligne que la malaria, une maladie qui allait boucler cette étrange histoire
d’amour entre orient et occident. Isabelle-Sakura était la fille de Yoshigoro. Devenu amiral et grand personnage de l’Empire
du Soleil-Levant, récent vainqueur de la bataille du Yalou en Corée contre la
flotte Sino-Russe. Cet homme si imposant est aussi l’un des amis d’enfance de
l’Amiral Togo. Ce haut dignitaire avait
pour souhait que sa fille chérie épouse un jeune officier de marine japonais.
Henri a du livrer bataille et l’amiral a du évaluer la sincérité de cet homme, en
se rappelant certainement ce jeune officier japonais qui avait, lui aussi, franchi
le Rubicon et bravé les préjugés de son temps pour emporter sa belle dans son
pays.
Du mariage, il
reste cette photo dans l’illustration.
Il y a là, le croisement de deux mondes : les vêtements des japonaises, les uniformes
des hommes, cette maison à l’occidentale.
La mariée porte une magnifique robe blanche à l’occidentale, avec un
long voile et une traîne, ses sœurs sont vêtues en kimono de cérémonie. Henri Rouvier est pensif sur la photo…

J’ose à peine
imaginer l’arrivée en France de ma grand mère, de Bonne-Maman. Quel incroyable
déracinement. Isabelle-Sakura qui a du être élevée dans l’idée d’une France
idéale par ses parents. Son père , l’amiral était encore et toujours un incorrigible
francophile, sa mère qui avait quitté la
France de Jules Grévy et les grands rêves coloniaux de ces temps du début de la
troisième république, la France des grandes industrialisations, comme le chemin
de fer et les premières grandes routes. Dans la tête de ses parents, cette
France là, dynamique et généreuse vivait
toujours. La France que rencontra Isabelle en ce matin de 1911 en entrant dans le port de Marseille, n’était
plus ce pays optimiste, cette terre qui regardait le reste du monde avec
confiance, mais un pays au bord de la guerre, déjà rongé par la haine
entretenue du « boche », des
passions mauvaises qui avaient envahi toute la société française et qui n’ont
pas favorisé l’arrivée de cette jeune femme venue du lointain.
Le romantisme
n’est plus de mode, et cette époque
qualifiée de « Belle époque », mais à quel titre, était beaucoup plus âpre que celle où Yoshi
avait posé les pieds sur cette terre de Provence. L’orientalisme était un peu
passé de mode, la France est profondément marquée par son empire colonial, et tout ce qui n’est pas de son sol est un
peu « métèque » ou « rastaquouère ». Les sociétés sont
comme les hommes leurs humeurs sont changeantes et peuvent les conduire du
meilleur au pire.
A Lorient,
ce sont les indochinois qui ont marqué les esprits de ce début de siècle
et leur est allé croissant. Ainsi vont les choses : tout japonais devient
alors un annamite ou un tonkinois, un
« gniaqwé »…
Même si dans
cetoui mais te lointaine Bretagne, ils sont rares, les étrangers font l’objet d’attaques
incessantes dans cette presse d’avant-guerre
Début 1911, ils
reviennent tous les deux vers Toulon, ou plus exactement Henri est affecté sur
le « Jules Michelet » et ils
s’installèrent au 24 Boulevard de Strasbourg.
Ils étaient
arrivés à Toulon depuis peu, nous étions
le 25 septembre 1911 quand un jour au
lever du soleil, une énorme explosion a fait vibrer Toulon. Le cuirassé « Liberté » est l’un de
ceux construits sur les plans d’Emile Bertin.
Sur le bord, les hommes ont entendu un frémissement sinistre, puis ils
virent un peu de fumée. Le feu avait pris dans les soutes avant tribord et il
se propageait à grande vitesse.
Dans ces cas
là, ce sont les gaz qui tuent plus surement que les flammes. Des navires les
plus proches, les marins ont pu entendre les cris de détresse de leurs
camarades…et ils sont horrifiés de ne rien pouvoir faire, en les voyant se
jeter à l’eau, parfois enflammés.
Le peuple de
Toulon s’est rassemblé de plus en plus nombreux sur le quai Cronstadt.
A bord, des
volontaires risquent leur vie pour finir de noyer les soutes. Quand l’officier
de garde fait sonner le poste d’abandon, il est déjà trop tard…une immense
explosion retentit à 5h53 du matin …la Liberté a sauté !
.Cet événement
incroyable survient alors que la petite famille
s’est installé Boulevard de
Strasbourg et Guy l’aîné des enfants est
déjà venu au mnononde. Voici donc le nouveau lieu de résidence du jeune couple qui est placé sous le signe
d’une catastrophe. Isabelle a pris ses aises, elle commence à recevoir
ses chers objets en provenance du Japon par bateau. C’est tout un
« bazar » hétéroclite qui a envahi ce petit appartement haussmanien de la haute ville de
Toulon : satuettes de jade,
paravent précieux, et même deux superbes armures de samouraï, cadeau de son
père, qui connaissait son attirance pour l’histoire du Japon médiéval. Mon grand père Henri est alors soumis au
régime des « béatitudes » : trois jours aux Salins d’Hyères et 4
jours à Toulon. Ce régime sépare trop cette jeune famille, et la décision est
prise de déménager pour un cabanon des Salins, situé sur les bords du Gapeau.
Ce fut le début pour l’oncle Guy d’une brève carrière maritime sur une barcasse propulsée par l’aviron…Je
m’imagine Isabelle, ma future bonne maman telle une African Queen, ou une
princesse des bayous. .
Cet avant goût
d’exotisme ne faisait que précéder le départ du couple pour l’Indochine, et Saïgon, avec le beau titre
d’adjoint au commandant de la Marine.. Après une année paisible et de vrais
vacances tropicales, la guerre a même atteint la mer de Chine et Henri a eu un
travail très prenant pour communiquer le plus d’informations possible sur la
situation navale de la région, mais aussi pour assurer la protection des cargos
qui acheminaient les matières premières indispensables pour mener la guerre en
Europe , et en particulier les navires devaient échapper au bâteau corsaire
allemand l’Emden.
Ce mystérieux
ennemi était tapi dans les eaux tropicales et tel un chasseur, il guettait ses
proies en rôdant entre l’Océan indien et la mer de chine. Ce croiseur a davantage semé une terreur psychologique,
mais avec une certaine efficacité : coulant dans ces eaux si paisibles dix
huit navires marchands, mais aussi un croiseur et un destroyer britanniques.
L’ogre était donc aux confins de l’Indochine et Henri a œuvré pour apporter sa
pierre à la traque du corsaire.
L’histoire de
L’Emden commence au début du siècle précédent. Le croiseur Emden rejoint
l’escadre de l’amiral Von Spee dans le pacifique, c’est en rejoignant cette nouvelle position
qu’il arraisonne un premier paquebot, le Riasan, bâtiment russe. L’amiral Von Spee qui se sent isolé va faire
route à l’Ouest pour regagner l’Europe. L’Emden reste dans les eaux orientales
. A partir de ce moment, il n’aura de cesse de traquer et couler tous les
bâtiments commerciaux qui ont le malheur de croiser sa route. Sa présence va
gêner tout le trafic entre l’Orient et l’Occident, et influer sur le
ravitaillement des troupes qui combattent.
Mais l’Emden va ensuite tenter d’attaquer les ports anglais le long des
côtes indiennes. C’est en trop pour les alliés qui décident de lui livrer une
chasse impitoyable. Von Muller est
repéré par un navire italien qui signale sa position, et dès lors il sera
pourchassé par toutes les escadres alliées présentes dans l’Océan Indien. La
presse britannique se déchaîne contre
l’Amirauté « Baleine impuissante à avaler le petit poisson
Emden »…

Le corsaire va
ravitailler aux îles Cocos, et il veut également y détruire la station T.S.F,
mais deux croiseurs australiens surviennent tandis qu’une partie de l’équipage
de l’Emden est occupé à détruire les installations de l’ïle…le croiseur Sydney
attaque et malgré des salves précises de l’Emden, il parvient à détruire la
télémétrie de corsaire, le rendant imprécis dans ses tirs. Bientôt Von Müller
n’a d’autre choix que d’échouer son navire sur les récifs. Il essuie encore
quelques salves avant de hisser le pavillon blanc.
Henri Rouvier,
de son poste fixe à Saïgon a collaboré à cette fin du corsaire, en rassemblant
les informations, en les communiquant aux autres escadres de jour comme de nuit. Un travail patient, moins visible mais
efficace.
La maladie a
atteint Henri. Toute la famille replie bagages en fin 1916, et ce fut une
croisière très triste sur le « Polynésien », paquebot régulier des
messageries maritimes. Un sous-marin
allemand était signalé dans les parages, et Henri mon valeureux grand père,
même diminué, avait décidé d’entraîner une partie de l’équipage à la manœuvre
de l’unique canon du bord, tel Dom
Quichotte à l’ombre des moulins. Pauvre
Henri, qui livrait sa propre guerre contre la maladie. Il y eut plusieurs
batailles pour qu’enfin il baissa pavillon dans la nuit du 11 au 12 juin 1920,
dans leur appartement du 2, place de la Liberté. La mort de mon grand père
laissa Isabelle Sakura et son fils Guy, alors âgé de 9 ans, totalement
désemparés !
A peine dix
années qu’elle était arrivé dans ce
pays, si fermé malgré les apparences…et puis la guerre qui avait changé les
mentalités. La belle époque avait laissé place à un esprit individualiste, où
ne comptait que la jouissance en attendant la prochaine grande
« boucherie » mondiale.
Ma grand mère
n’avait pas une grande largeur d’esprit, pour ce que je me rappelle, et tous
ceux qui l’ont connu ont confirmés que
ses idées étaient restées extrêmement rigides. Contrairement à l’une de ses
sœurs, ma tante Marguerite, qui avait suivi le même destin qu’elle : mariage
avec un jeune officier de marine français, le Comte d’Albas…Isabelle, bonne
maman, comme je l’appelais, avait une vision étriquée de la vie. La période de
l’entre deux guerres a du être des plus pénibles pour elle : moralement et matériellement. Le relâchement des mœurs, une certaine
liberté des femmes, une société en plein
désarroi, mais vivante n’était pas pour rassurer Isabelle Rouvier.
L’agonie de son
mari avait été pénible et longue, mais elle avait aussi eu le temps de s’y
préparer. Quand bien même la société
d’après guerre a du faire une place à toutes ces femmes seules, les veuves, la
vie demeurait des plus difficiles pour elles, dans ce monde si masculin. Bonne maman, qui n’avait que trente et un ans
était encore, sous ses vêtements noirs, une jeune femme désirable et qui fût vite désirée.
Femme
d’officier elle était, femme d’officier elle devait rester…c’est un jeune
lieutenant de vaisseau qui s’est révélé
dans la guerre. Il a commencé sa
carrière dans la marine marchande, lieutenant au long cours, puis mobilisé
comme premier maître d’un chalutier, cet homme intrépide va servir sur
plusieurs navires de guerre. Puis il va être affecté comme navigateur à des ballons
captifs. Car à l’époque, les marins, bons connaisseurs des vents, s’occupaient
de ce corps d’observation, et ces hommes étaient en première ligne, ils constataient les avancées et les reculs
des troupes amies et ennemies, tout en essuyant des tirs fournis : un
boulot ingrat !
Sylvestre
Marcaggi, était né à Ajaccio en 1988.
C’est à Rochefort où il a été breveté pilote de dirigeable qu’ils se
sont connus avec Henri qui effectuait une mission en 1918 dans les différentes
écoles de la Marine. Les deux hommes, assez peu conformistes s’étaient liés
d’amitié. Il effectue un remplacement à
Toulon sur l’aviso Arras en 1919, ce qui permet aux deux amis de se retrouver.
Henri présenta Sylvestre à son épouse, et l’homme devint l’ami du couple. Henri
qui, malade, ne sortait jamais, faisait une exception pour son ami et ils
allaient dîner tous les trois , après avoir confié Guy l’aîné et la toute
jeune Magali née en 1918, à la grand mère. De Rochefort où il est toujours
affecté, le jeune lieutenant Marcaggi fait plusieurs fois le voyage de Toulon, car il voit son ami
faiblir. A la mort d’Henri, il viendra
sur ses congés pour aider Isabelle à supporter et à organiser les
obsèques. Si en 1922, il choisit Cuers
comme affectation ce n’est pas seulement
pour les Zeppelins, mais surtout pour se rapprocher d’Isabelle…si jeune…si
seule !

Un an plus
tard, ses nombreuses visites à la jeune
veuve dépassaient le simple stade de la camaraderie, et son assiduité n’avait
d’égal que l’intérêt qu’il portait au jeune Guy, qui voyait dans ce pilote, la
gloire et la force d’un père si regretté.
L’homme avait
déjà su conquérir cette petite famille.
En 1923, la
Marine faisait parcourir de grandes distances à ses Zeppelins, en attendant que
l’aviation en soit capable. Le Dixmude allait fréquemment survoler l’Afrique du
Nord et la Méditerranée.
Ce 18 décembre
1923 le Dixmude appareille de Cuers pour
une nouvelle mission dont il ne reviendra jamais. On ne retrouva que le corps
de son commandant de Grenedan, au large de la Sicile…Le Lieutenant de Vaisseau
Sylvestre Marcaggi a disparu en mer dans la nuit du 20 au 21 décembre
1923.
Pour Isabelle,
ce fut presque un second veuvage, et une trace indélébile sur son mental et son
comportement futur : l’éternel
pessimisme.
Années noires
et terribles pour cette petite famille,
si isolée dans un monde en plein
désarroi : l’entre-deux-guerres.
Isabelle va courir dans toutes
les administrations, elle va écrire partout et harceler qui il faut ; pour
enfin obtenir sa survie, avec le statut de « veuve de guerre » avec « bureau de tabac ».
D’après maman,
sa fille Magali, la vie ne lui avait pas
semblé si rude ; pourtant les fins de mois avaient du être difficiles,
obligeant Isabelle, Bonne-Maman , à louer une chambre à de jeunes étudiants. Elle fait également quelques traductions pour
des sociétés de commerce de Marseille.
L’appartement de la Place de la Liberté devient une petite entreprise,
qui restera très fragile. Guy, l’aîné a été perturbé par les évènements et sa
scolarité s’en est ressenti. C’est un garçon vif et impétueux, mais cette
énergie n’a pas été canalisée par un père
et ses actes vont parfois trop loin. Isabelle, sans doute trop absorbée
par la survie quotidienne, n’a probablement pas porté assez d’attention et
d’amour à son fils. Il en gardera une marque profonde dans son cœur. Magali est comme un petit oiseau, qui ne pense qu’à s ‘envoler du nid. Sa
beauté la fait très rapidement passer de la fillette charmante à la jeune fille
désirée.
L’appartement
de la Place de la Liberté voit alors un défilé régulier des prétendants de
mademoiselle Rouvier. Selon leur condition ils reçoivent un accueil qui va de
glacial à chaleureux. J’aime à imaginer
Bonne Maman en Cerbère de la porte !
Parmi ces
fameux assidus, il y a heureusement pour moi, (d’autant que nous émettions en
présupposé que l’existence est un bonheur en soi…c’est une autre question) un
dénommé Pierre Bouillaut. Cet homme
discret, a eu le coup de foudre pour cette jeune beauté qui est son exact opposé :
diserte, d’un contact direct et facile, et d’une spontanéité incroyable. Le
jeune enseigne tombe sous le charme de cet oiseau du sud, lui qui est né à
Roubaix d’une famille originaire de Lorraine et d’Alsace, et qui est d’un
caractère aussi égal que celui de sa promise est impétueux et riche en verbe.
Magali avait 16 ans, le mariage a eu
lieu quelques mois plus tard, je vois la photo où ce joli couple sort de
l’Eglise Saint Louis sous la haie d’honneur des camarades du jeune
enseigne.
Le jeune couple
s’installe, pas loin du port, rue Chevallier Paul, juste à la limite de « Chicago »,
le quartier chaud très apprécié des marins en goguette. C’est un des endroits
les moins chers de Toulon. Mon grand
frère Frédéric y est né, neuf mois pile après le mariage.
Mais bon, les
moments héroïques vont survenir au début de la guerre.
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